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BLABLABLAMIA
21 janvier 2018

LES RÊVEURS - Isabelle CARRÉ

Isabelle-carre-les-reveurs

« On devrait trouver des moyens pour empêcher qu’un parfum s’épuise, demander un engagement au vendeur – certifiez-moi qu’il sera sur les rayons pour cinquante ou soixante ans, sinon retirez-le tout de suite. Faites-le pour moi et pour tous ceux qui, grâce à un flacon acheté dans un grand magasin, retrouvent l’odeur de leur mère, d’une maison, d’une époque bénie de leur vie, d’un premier amour ou, plus précieuse encore, quasi inaccessible, l’odeur de leur enfance… » 
I. C.  
Quand l’enfance a pour décor les années 70, tout semble possible. Mais pour cette famille de rêveurs un peu déglinguée, formidablement touchante, le chemin de la liberté est périlleux. 

Vous connaissiez Isabelle Carré l'actrice, et bien désormais vous pouvez découvrir Isabelle Carré l'auteure car celle-ci vient de sortir un premier roman, à fort pourcentage autobiographique (et émotionnel), et il mérite d'être découvert.
Pour dire, ça donne presque envie (en fait, non, faut pas pousser quand même) de remercier les organisateurs de la manif pour tous, cette dernière ayant été l'élément déclencheur de l'écriture de ce livre.
Car de voir des personnes se permettre de juger du bien-être/mal-être des enfants d'homosexuels a poussé Isabelle Carré à se dévoiler, tout en romançant son histoire familiale.

Isabelle Carré a grandi auprès d'une mère fragile, marquée par l'abandon dont elle a été victime alors enceinte de son premier enfant, et d'un père talentueux, torturé, différent. Des parents un peu dépassés, paumés, fragiles et parfois défaillants mais toujours aimants.
Elle a connu une enfance heureuse et atypique entre prolétariat et aristocratie, marquée par un grave accident qui l'immobilisa un long moment, et une adolescence, elle, marquée par un séjour en hôpital psychiatrique qui lui permit de découvrir sa vocation d'actrice.  

De ce livre ressort ce sentiment que du négatif elle a toujours su tirer du positif et que les directions que l'on prend tiennent beaucoup du hasard. 
Que malgré les tourments, les cris, les larmes, la solitude, la peur, l'injustice, l'équilibre précaire, la différence, la difficulté de se construire, elle va bien, et ses souvenirs sont et resteront beaux, tendres, touchants.
Que grandir avec un père homosexuel n'est évidemment pas un problème, et que le plus dramatique fut surtout de le voir chuter, injustement emprisonné pour une escroquerie dont il n'était pas coupable.
C'est 
à travers un regard doux, discret et bienveillant, qu'elle rend hommage au talent et au courage de son père, à la force cachée de sa mère, qu'elle donne sa propre vision de l'histoire familiale, dans une subjectivité assumée et quelques inventions pour boucher quelques trous de mémoire et traverser toute une époque.

Cela se voit que l'écriture, 
exutoire et salvatrice, a toujours été présente dans sa vie, et c'est dans un style délicat, indulgent, sincère, vaporeux et frais comme la photo de couv, qu'Isabelle Carré s'expose en toute discrétion et défend joliment la liberté de rêver, d'être et d'aimer.

"Mon récit manque d'unité, ne respecte aucune chronologie, et ce désordre est peut-être à l'image de nos vies, en tout cas la mienne, car il existe certainement des gens capables d'ordonner la leur. Toutes les époques subsistent en nous à la façon des matriochkas, c'est sans doute pourquoi, malgré l'expérience et les connaissances accumulées, nos propres réactions, parfois si infantiles, continuent de nous surprendre. 
Dans la voiture, mon père aimait glisser une cassette de Léo Ferré, il se délectait de sa propre mélancolie et des paroles d'Avec le temps, "Avec le temps, va, tout s'en va, même les plus chouettes souvenirs" ... Je me sentais au contraire incroyablement soulagée à l'idée que l'on s'allégeait avec le temps, qu'on pouvait faire place nette, recommencer.
Je ne le crois plus à présent. Qu'on en souffre ou qu'on ait plaisir à revenir un arrière, je suis sûre qu'avec le temps "tout ne s'en va pas".
Tout reste, les voix, les lieux, les images.
Tout demeure, à portée de pensée.
Et s'éclaircit."

L'auteur(e) >> Comédienne de théâtre et de cinéma, Isabelle Carré poursuit depuis 1987 une carrière d’anti-star discrète au talent toujours plus reconnu. Les rêveurs est son premier roman (finaliste du Grand Prix RTL-Lire 2018).
Les éditions Grasset : http://www.grasset.fr/

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Commentaires
A
Ton billet achève de me convaincre de lire ce livre... On ressent aussi toute ta sensibilité à toi. Merci pour ça !
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A
C'est une actrice dont j'apprécie beaucoup la discrétion et une certaine forme de fragilité. Je me demandais justement ce que pouvais donner son passage à l'écriture et tu me confortes dans mon envie de lire son roman. Merci.
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