CONFITEOR - Jaume CABRÉ

Confiteor... Titre original Jo Confesso : je me confesse.

Par la signification de ce titre et ses 772 pages/1,050 kilo (oui, je l'ai pesé...), Confiteor m'impressionnait. 
(Et c'est, selon moi, un des livres les plus propices au format numérique, même si, la couv est superbe, et que ce kilo peut également représenter le poids dont se libère le narrateur....).

Jaume Cabré a eu besoin de 7 années de travail phenoménal, alors résumer tout le contenu de ce roman en un billet me semble soudain bien difficile.

Déjà, je vais être honnête et avouer que les premières pages m'ont un peu vue sur mes gardes, tatonnante, étonnée par le style et les procédés utilisés, MAIS, une fois lancée, je n'ai plus pu m'arrêter, tout en ayant besoin d'air, de pauses.
Pour, une fois arrivée à la fin, poser le livre avec un grand sentiment de nostalgie, un besoin de relire des passages, revenir en arrière.

Mais je le précise et re-précise, au démarrage, et tout du long finalement, il faut se laisser guider, apprivoiser, ne pas se laisser destabiliser par ce roman et son mode de narration plutôt inhabituel, passant du "je" à "Adria" ou "il" pour le même personnage, mélangeant les époques, les protagonistes, rendant le tout très musical, et universel.

Beaucoup de livres sont consacrés au devoir de mémoire historique, ils sont tous nécessaires, utiles, souvent prenants et révoltants. Pas toujours méditatifs et interrogatifs sur le Bien et le Mal comme l'est Confiteor.

En narrant la vie d'un homme de son enfance à ses derniers jours, alors qu'Alzheimer prend possession de lui, sous forme de lettre-confession à la femme qu'il aime, Jaume Cabré nous fait voyager/valdinguer dans près de 500 ans d'histoire, et dans la vie d'un grand esprit avec tout ce qu'il a de beau et de laid en lui. 

C'est une histoire d'enfance ratée, d'enfant précoce face à des parents exigeants et sans amour, d'amitié, d'amour gâché, d'une vie faite d'Art, de musique et d'écriture.
Une histoire d'Histoire, d'origines, de culpabilité, de deuils et d'imposture...

Le parcours d'un violon d'exception, sa création (l'amour de l'oeuvre, la vie qu'il représente, le bois, le travail qui le compose), sa traversée des siècles de mains en mains, en témoin statique et innocent de la violence, des horreurs de l'humanité, la perte des valeurs humaines, les trahisons, les vols, le Mal, l'amour, la mort...
Un violon enfermé dans un coffre comme pour étouffer les mémoires, la vérité, les responsabilités. Même celles de ses parents, qui pèsent et frappent le présent. 

Comment des personnes ont profité, ont osé faire des expériences et fait commerce "grace" au malheur... 
Ces faces que l'on se voile si facilement, en mettant un mouchoir par dessus.
La douleur qu'aucun pardon, aucune vengeance, n'apaisera.

Et en fil conducteur le long de ces 772 pages, une musique lancinante, la grande question du pourquoi?
Pourquoi la Foi?
Pourquoi cette violence, la haine, le Mal.
Pourquoi et comment survivre à ceux que l'on aime/à l'horreur...
Et comment réparer, rendre justice? Jusqu'à quand les dommages collatéraux?

Comment accepter d'être des flammes qui survivent, risquant à tout moment d'être soufflées...

Une oeuvre sous tension, un "page-turner" de près de 800 pages sous forme de puzzle de 652372 pièces, Jaume Cabré a accompli un travail de construction incroyable et Edmond Raillard un travail de traduction non moins formidable.

Certains passages sont extrêmement émouvants, édifiants, à en avoir les larmes aux yeux.
Certaines pages seraient à recopier 100 fois...
C'est assez vertigineux.

Un opéra, au chef d'orchestre surdoué.
(Et un excellent scénario de cinéma...)


"Le grain de sable, c'est d'abord une poussière dans l'oeil ; ensuite, cela devient un agacement dans les doigts, une brûlure à l'estomac, une petite protubérance dans la poche et, si le mauvais sort s'en mêle, cela finit par devenir une lourde pierre sur la conscience.
Tout commence comme ça, ma chère Sara, la vie comme les récits, par un grain de sable inoffensif, qui passe inaperçu..."


le billet de Clara et les mots: http://fibromaman.blogspot.fr/2013/12/jaume-cabre-confiteor.html
le billet de cunéipage: http://cuneipage.wordpress.com/2013/11/27/si-ce-que-tu-veux-cest-passer-ta-vie-a-lire-ca-vous-regarde-toi-et-tes-livres/

Pour lire les premières pages du roman:
http://issuu.com/actes_sud/docs/confiteor_jaume_cabre_actes_sud

Grand Prix SGDL de traduction - Prix du Courrier International du meilleur livre étranger 2013
Sélections Prix Médicis, Prix Femina, Télérama et Le Journal du Dimanche / France Inter 2013