LA MÉMOIRE EST UNE CHIENNE INDOCILE - Elliot PERLMAN
New York, aujourd'hui. Ex-taulard en probation dans un hôpital, Lamont, jeune Noir du Bronx, se lie d'amitié avec un patient, rescapé des camps. Uptown, Adam Zignelik, professeur d'histoire en pleine crise existentielle, exhume un document inédit: les premiers témoignages sonores de survivants de l'Holocauste. Dans le creux de cette mémoire ravivée, leurs destins vont s'entremêler.
L'affaire commençait un petit peu mal entre ce roman et moi, car, malgré ma grande envie de le lire, je parvenais difficilement à rentrer dedans. Mais peut-être étais-je simplement fatiguée car, au bout de, disons, 2 bonnes nuits de sommeil et 80/100 pages (sur près de 800, ça va c'est assez rapide finalement), je n'ai plus du tout eu envie de le poser.
C'était le premier roman que je lisais d'Elliot Perlman, ce ne sera pas le dernier, car il m'a rendue extrêmement curieuse des précédents (et des suivants...).
Il a demandé à son auteur 6 ans d'écriture, de recherches, 6 voyages à Auschwitz et plusieurs rencontres avec d'anciens déportés, dont un qui a fortement inspiré le personnage d'Henryk Mandelbrot.
Henryck Mandelbrot, ce survivant de l'Holocauste, qui, comme de nombreux personnages du roman, est animé/habité par le besoin de transmission, d'éradiquer l'oubli, laisser un témoignage, un hommage, afin de faire naître/maintenir en tous un primordial devoir de mémoire. Pour que personne n'oublie jamais.
La mémoire est une chienne indocile est roman choral à la composition assez impressionnante, constituant un puzzle parfaitement agencé entre passé et présent, célèbrant, de manière lancinante, l'importance du souvenir. Soulignant finement et intelligemment l'importance, aussi, de toujours rester vigilant.
En abordant l'horreur de l'Holocauste, la ségrégation/le combat pour les droits civiques, les "lacunes" de l'histoire, et un quotidien plus actuel (fait de ses propres douleurs), Elliot Perlman parvient à alterner les personnages, les thèmes et les époques sans jamais laisser l'émotion de côté.
Car certaines scènes vous prennent au ventre, et y laissent un noeud fermement serré... il me semble qu'elles ont pris un sens encore plus considérable alors que je les lisais au lendemain de la célébration des 70 ans de l'armistice.
Un livre ambitieux, grave, instructif, prenant, qui demande du temps, et mérite qu'on le lui offre.
"La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laissera ni convoquer, ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous. elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. elle s’invite quand elle a faim, pas lorsque c’est vous l’affamé. Elle obéit à un calendrier qui n’appartient qu’à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s’emparer de vous ou vous libérer. Vous laisser à vos hurlements ou vous tirer un sourire. (...)
Qu'est- ce que la mémoire? C'est le stockage, la rétention et la remémoration des composantes , brutes ou nuancées , de l'information. Comment la mobilise-t-on? Une certaine protéine du cerveau, une enzyme, agit sur une série de neurones en succession rapide, comme une forme d'allumage, de manière à tracer une image ou à prononcer un mot, comme pour amener un arpège de données de stockage cellulaire à jouer une mélodie depuis longtemps gardée en réserve dans votre esprit, de sorte que vous vous remémoriez le visage de cet être, sa voix, son rire, la manière qu'il avait de bouger, un propos qu'il avait tenu....... Dès qu'elle n'est plus là, cette cascade de données cellulaires, c'est tout ce qu'il vous reste d'elle. Chaque neurone contient quelques pixels, quelques données, et il suffit que l'un deux se perde pour que la séquence soit interrompue. Et là, vous avez déjà commencé à oublier."
L'auteur >> Elliot Perlman est né en 1964 en Australie. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Trois dollars, son premier roman, récompensé par le Melbourne Age Book of the Year Award. Après Ambiguïtés et L'Amour et autres surprises matinales, un recueil de nouvelles qui a reçu le Steele Rudd Award et le Betty Trask Award, il signe La mémoire est une chienne indocile. Elliot Perlman vit aujourd'hui à Melbourne, ou il exerce la profession d'avocat.
Les éditions 10/18: http://www.10-18.fr/livres-poche/
Le billet de Clara ici, celui de Kathel là, et celui d'Aifelle par ici aussi (écrits au moment de sa sortie chez Robert Laffont).