QUAND NOUS SERONS FRERE ET SOEUR - Sophie ADRIANSEN
Quand nous serons frère et soeur, n'est pas qu'une histoire de famille, de filiation.
C'est bien plus que cela.
Autant vous le dire tout de suite, il a eu un écho étrange en moi, car sans entrer dans les détails, disons que j'ai actuellement un frère "en suspens", oui, et ça arrive, zéro drame.
MAIS du coup, cette rencontre entre une soeur et son demi frère découvert tardivement au décès de leur père commun, qu'aucun des deux n'a connu, leurs apprivoisements, leurs partages, leur attachement, oui, ça m'a fait quelque chose.
Autre écho en moi, la vie parisienne, la lassitude qu'elle entraîne, et le poids du travail, à force d'épuisement. Les bilans, la reconstruction de soi....
Ok... Bon...
Il faudrait que je sois plus claire, moins perso, mais ce billet le sera fatalement un peu, vous voilà prévenu(e)s.
Alors, allons y, l'histoire?>>
Louisa, la trentaine dynamique et urbaine, n’a jamais connu son père. Par une chaude journée d’avril, elle apprend la mort de celui-ci ; elle découvre dans la foulée qu’il lui a laissé un conséquent héritage. Mais cet argent inespéré est soumis à une condition : elle doit cohabiter un mois avec un frère dont elle ignorait jusqu’à l’existence.
Ne se doutant pas qu’elle prend un aller simple pour le début du reste de sa vie, Louisa fait sa valise et débarque à Lougeac, village du centre de la France où elle n’est pas la bienvenue et où les rumeurs vont bon train. L’y accueille Matthias, qui ressemble à tout sauf au grand frère idéal. De désaccords en maladresses, de déceptions en heureuses surprises, la confrontation de ces deux êtres en quête d’identité que tout oppose se révèlera chaotique ; mais comme toute chose, la vie commune s’apprend... Il n’est jamais trop tard pour se découvrir une famille.
Le personnage de Louisa est attachant, mais également le taiseux Matthias (j'aime bien les taiseux), Cécile, la mère de famille courageuse, Alan le pompier qui donne envie de le croiser... des personnages antipathiques et pleins d'a priori... dignes de Pagnol.
J'ai rarement lu un discours aussi subtil sur le racisme, le rejet... ce poids qui pèse en soi quand on en est victime. Et ce n'est jamais trop de le souligner, de le dénoncer ce fichu racisme quotidien, parfois subi par le biais de regards appuyés ou petites remarques pernicieuses.
Et cette difficulté de trouver sa place dans une société où, parce que vous êtes de couleur, on vous croit originaire d'un autre pays.
Quand Nous Serons Frère et Soeur souligne également cette préciosité des racines, de la famille, ces valeurs que nous ne voyons pas tant elles nous paraissent logiques lorsque nous avons la chance d'avoir grandi dans un cocon avec des parents heureux, une famille aimante et la magie d'un "lieu-source". Ce besoin d'avoir des bases, un passé, pour pouvoir construire un avenir...
Enfin, Paris... et son bruit, sa saleté, sa vie qui use, qui isole, qui rince, son monde du travail qui ne vous considère que comme une ouvrière de la fourmillière.
"Pourquoi jusqu'à l'estomac d'une femme pouvait-il avoir plus de valeur que celui d'une autre? Pourquoi l'appétit, les rythmes biologiques devaient-ils aussi dépendre de l'organigramme? Qui avait imposé cela? Qui avait permis cela? Qui avait fait rentrer cela dans les usages, au point d'en faire une normalité qui ne choquait plus personne?"
A l'opposé, la campagne, son calme, son silence, sa solitude, son isolement aussi (et une jolie réflexion sur la disparition des commerces de proximité). Et une ruine, seule, abandonnée, dans l'attente d'être adoptée et de retrouver un sens......
Voilà... Que dire? Si ce n'est que ce roman doux et subtil donne envie de plein de choses... De souffler, de prendre le temps, repenser ses priorités, et qui sait, de partir, peut être, ailleurs, en tout cas à la rencontre des autres (et de Louisa, si elle existait).
"... Mais à deux, on oublie les ombres."
PS: Et puis... la chouette surprise de croiser un clin d'oeil à un titre de Laurent Richioud, DES CARPES SOUS LES BOMBES, paru (et lu) en 2011 chez Stéphane Million Editeur), et que je vous conseille (aussi) de lire:
"C'est pas moi qui suis mal habillé, c'est vous aut' qui faites trop d'efforts!"
Enfin, parce que j'aime vraiment cette jeune femme au nom de conteuse, quelques mots à son sujet pour que vous la découvriez un peu plus (si ce n'est déjà fait):
Sophie Adriansen est l’auteur de plusieurs ouvrages en littérature générale "Je vous emmène au bout de la ligne" aux Editions Max Milo, "Trois années avec la SLA" aux Editions de l’Officine, "Un meeting" aux Editions StoryLab, "Louis de Funès" aux Editions Premium et en littérature jeunesse "J’ai passé l’âge de la colo !" aux Editions Volpilière, "Le souffle de l’angeaux" Editions Nathan.
Ses nouvelles ont été publiées en recueil et dans différentes revues: Bordel, La Gazette de la Lucarne, Pr’Ose et Dissonances.
Chroniqueuse (elle tient l'excellent blog Sophielit, finaliste du Prix des Bloggeuse de ELLE 2011)) et jurée littéraire, elle est membre de la Société des Gens de Lettres. Quand nous serons frère et sœur est son premier roman.
PS (Bis): pour info, ma fille va se lancer dans la lecture de ses titres jeunesse, et prendra les commandes du blog pour en parler, oui oui....