MON AMIE AMÉRICAINE - Michèle HALBERSTADT
"Ce matin, Clara m’a demandé pourquoi nous étions amies. Je lui ai répondu que c’était inexplicable. Mais j’ai passé la journée à me poser la question. Pourquoi toi, l’Américaine, la pragmatique, la businesswoman, la midinette, pourquoi occupes-tu une telle place dans ma vie?"
C'est l'histoire de deux amies une new yorkaise, l'autre parisienne, depuis leur rencontre jusqu'à l'épreuve que vit l'une et subit l'autre...
Deux amies partageant le même métier, qui les a fait se rencontrer, la même vie un peu hors normes d'acheteuses/distributrices de films, passionnées par ce métier qui fait rêver beaucoup mais au rythme et à la vie pas ordinaires (sphère dans laquelle je travaille habituellement, et dont le portrait réaliste et sincère fait par Michèle Halberstadt permettra à certain(e)s de découvrir ce "job" ainsi que ses exigences et son intensité).
Elles mènent donc une vie qui laisse peu de temps à consacrer à soi-même, aux examens de santé toujours reportés, aux enfants qui le font payer, au mari qui s'offre des libertés...
Michèle Halberstadt dévoile une partie d'une histoire vécue avec pudeur, lucidité et douceur.
Et l'on se retrouve dans ses mots, dans ses sentiments.
Dans ce choc, cette peur panique de perdre une personne à laquelle on tient, ces questionnements sur la fidélité en amour comme en amitié, l'importance des silences/des secrets, l'apprentissage appuyé de la lucidité et des compromis...
Elle décrit ces étapes que l'on a parfois à franchir sans l'avoir voulu, en pensant s'en être préservé(e), les deuils nécessaires de ce qui fut pour continuer d'avancer.
Deuils que l'on accepte de faire, ou pas.
Mais avant les deuils, l'angoisse, de cette condition d'humain fragile pour qui tout peut basculer tellement vite.
Sans savoir, sans comprendre, sans contrôler. Et se retrouver soumis aux décisions des médecins, plus pragmatiques que sentimentaux.
M. imagine la vie de Molly dans le coma, et espère un réveil comme un miracle, sans penser aux séquelles mais juste à cette envie de retrouver son amie, et que tout redevienne comme avant.
Parfois, ça marche. Et parfois pas, quand la personne atteinte n'accepte pas les coups du sort reçus, et les changements que sa chute a entraînés, alors elle plonge, dans l'amertume et la mélancolie, sans que personne n'y puisse grand'chose et qu'à force même les plus sincères renoncent.
Mais ce récit, bien que grave, n'est jamais larmoyant, car M. se raccroche à l'image de Molly toujours souriante, drôle, pleine d'énergie, et le livre est ponctué de souvenirs de partages joyeux, touchants, chaque page déborde d'affection malgré ce nuage sombre qui planne et s'impose...
Mon amie américaine est une désarmante déclaration faite à la vie, emplie de regrets et d'espoir, une main tendue à une amie, un aveu de culpabilité face au soulagement d'être toujours valide et en forme, les confidences d'une femme ébranlée qui n'ose s'apitoyer... Et une exortation à prendre soin de soi, à en profiter sans tarder.
Des mots sur la promesse d'un amour amical immuable malgré l'éloignement, qui donne envie de ré écouter en boucle Carole King et son sublime "you've got a friend" qui nous trotte dans la tête durant cette lecture.
"Pourquoi toi, l'Américaine, la pragmatique, la business woman, la midinette, pourquoi occupes-tu une telle place dans ma vie?
Dans le désordre: parce que tu me fais rire, que tu m'émeus.
Parce que tu es infatigable.
Parce que tu me rapportes toujours un souvenir des pays où tu pars sans moi.
Parce que tu as l'art d'offrir des cadeaux incroyables. Jamais je ne me séparerai de cette boule ivoire, nichée dans une boîte laquée noire, qui diffuse un parfum de vanille. Je ne sais pas où tu l'as dénichée, ni comment tu en as eu l'idée. Tu me l'as offerte "pour l'inspiration" et, depuis quinze ans, je n'ai pas écrit une seule ligne sans l'avoir à côté de moi.
Parce que tu n'oublies jamais une fête ou un anniversaire.
Parce que, comme moi, tu adores la soul music, les oreillers tout mous, les pivoines, les bouillottes et les boucles d'oreilles.
Parce que, dans chaque festival, tu déniches le meilleur japonais, le meilleur cappuccino, la meilleure librairie et que tu remets tes fiches à jour chaque année.
Parce que tu sais réparer mes pannes de téléphone et d'ordinateur.
Parce que tu as toujours au fond de ton sac des mouchoirs en papier, des piles, des bonbons, de l'Advil, une lime à ongles, un marque-page et une fiole de Tabasco car tu estimes qu'il n'y en a jamais assez dans le Bloody Mary.
Parce que tu sais faire des tours de cartes.
Parce que tu es capable de te mettre du vernis à l'arrière d'une voiture en marche sans que cela déborde.
Parce que tu as le sens de l'orientation.
Parce que tu lis toujours mon horoscope en même temps que le tien.
Parce que tu ne te maquilles jamais les yeux mais que tu mets du rouge à lèvres alors que je fais le contraire.
Parce que ton français est inexistant et que j'adore te parler en anglais.
Parce que je peux tout te dire."