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BLABLABLAMIA
15 novembre 2013

LA GARÇONNIÈRE - Hélène GRÉMILLON

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Je ne vais pas faire original (!!!)...: Le premier roman d'Hélène Grémillon, Le Confident, a été un de mes coups de coeur à sa sortie et un des romans que j'ai le plus offert ensuite.
C'est dire combien j'étais impatiente de lire La Garçonnière (que j'ai failli ne jamais recevoir, mais ça c'est une autre histoire...:-))!!

L'histoire, tiens >> 
Août 1987, Buenos Aires. Vittorio, psychanalyste, a passé sa soirée au cinéma. Lorsqu'il rentre chez lui, il découvre le corps de sa femme défenestrée, sur le trottoir.Dévasté par le chagrin, il se retrouve accusé du meurtre et emprisonné. Quand Eva Maria, l'une de ses patientes, apprend qu'il fait figure de principal suspect, elle refuse de croire à sa culpabilité. Elle décide alors de mener sa propre enquête...

Ce que j'aime avec Hélène Grémillon, c'est que l'on n'attend pas pour entrer directement dans son récit, on est projeté tambour battant dans la tension de ce véritable "page-turner"-"thriller" psychologique!

Mais réduire ce roman au thriller serait criminel (humpf...).
Il y a aussi un lourd contexte historique, nous sommes en 1987, dans les années qui suivent la dictature et les tortures de la junte militaire argentine, avec les souffrances des survivants, et des mères des desaparecidos, qui occupent alors la place de Mai... Des personnes aux destins brisés croisent leurs possibles bourreaux sans même le savoir...
Ces vies au quotidien, diluées dans l'Histoire, qui a entraîné un quota de psys incroyable dans la ville de Buenos Aires (la seconde après New York!).

Eva Maria, qui ne parvient pas à survivre à la disparition de sa fille, Stella, est une patiente du Dr Puig, et n'imagine pas devoir se passer de ses séances, alors elle mène l'enquête pour le disculper. Car la présomption d'innocence n'est pas le fort de la police argentine qui désire "se faire un psy"...
On la suit sur diverses pistes à l'écoute des cassettes des patients du Dr Puig, le déroulement de trois séances est retranscrit, on découvre des éléments édifiants, on hésite, on croit avoir une idée du coupable, puis on se perd, et baigne dans une frustration positive où les apparences trompeuses ont pris le pouvoir.
 

 

paon

C'est une belle exploration de la psychologie, de la folie, du poids des mensonges et des secrets, de la féminité abîmée, de la résilience qui n'empêche pas d'avoir ce passé douloureux qui parfois entrave. 

On retrouve ici des symboles forts: mythologique (tel que le paon d'Héra surveillant l'infidèle Zeus), historique, étymologique (aucun prénom ne me semble avoir été choisis au hasard), psychologique... ou sacrificiel, dans ce livre théâtral et Shakespearien.

Une sorte de huis clos au goût de Garcia Lorca (cf La Maison de Bernarda Alba: « Naître femme est le pire des châtiments»)... dont l'enfermement n'est pas que dans une cellule ou dans un appartement mais aussi et surtout sous le crâne d'une femme rongée par la tristesse de l'érosion, la jalousie maladive, voyant son mari plus âgé lui échapper, séduisant, à la personnalité imposante (et l'on ne peut pas ne pas y lire quelques sentiments personnels de l'auteur...), et la crainte de la fin de leur histoire rouvre alors une faille en elle, la précipite dans un abandon d'elle-même, et la disparition d'une partie de son amour propre.

chatporce

Mais, je ne veux rien déflorer alors ce n'est pas si simple de vous parler de la psychologie des personnages principaux et surtout de Lisandra, d'ailleurs parfaitement représentée par l'image de ces petits chats de porcelaine qu'elle achète... Félins, discrets, fragiles et "qui ne miaulent pas sur l'amour..." (mais retombent sur leurs pattes)...

C'est un livre sur le deuil: de soi même, le deuil d'un enfant et de l'enfance, le deuil d'un amour, de la féminité, et le deuil d'une justice...
Mais aussi un livre sur l'amour, l'amour d'un fils pour une mère, d'une mère pour une fille, pour un fils, une femme pour un homme, un homme pour une morte, l'amour de la liberté, physique mais aussi de l'âme.
Et le courage d'affronter ses démons.

Pour finir, comme d'autres lecteurs je présume, je me suis demandé tout au long de ma lecture "pourquoi ce titre?". Bien sûr j'avais ma petite hypothèse, et voilà que dans les dernières pages, Hélène Grémillon parvient à me détromper et me surprendre dans u
n dénouement rapide, oppressant, étourdissant. 

C'est intense, musical, un "dernier tango à Buenos Aires" à la gestuelle profonde, où les personnages tournoient dans un scénario plein de détails, hyper bien ficelé (et bientôt adapté au cinéma?), où le bien et le mal se croisent, combattent, et laissent jusqu'au bout planner le doute sur lequel l'emportera...  


"Ça commence comme une tétanie. La gorge se serre. La poitrine à l'intérieur s'étreint. Et le rythme du coeur s'accélère. Dans ces moments-là, le coeur n'est jamais sur le côté, il est au milieu. Si cela n'avait pas été cette première fois, il y aurait eu une autre fois. Vittorio devait me mener à la jalousie, c'était constitutif de notre histoire. J'ai senti qu'elle venait me prendre en son pouvoir, de m'assujettir à sa folie. Je ne respirais plus. Je crois que depuis je n'ai jamais retrouvé ma respiration d'avant. Mon coeur s'est branché ailleurs. Sur un mauvais rythme. Sur un mauvais tempo. sauf peut-être quand je danse. Là seulement ma respiration peut respirer." (...)



Livre lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2013 organisés par Price Minister >> Edit du 20/12: ce billet a donc été gagnant >> émotion, joie, champagne et mister Cocktail :-) Merci merci les juges :-)

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