APRÈS L'ORAGE - Selva ALMADA
Un garage au milieu de nulle part, province du Chaco, nord de l’Argentine. La chaleur est étouffante, les carcasses de voiture rôtissent au soleil, les chiens tournent en rond. Le Révérend Pearson et sa fille Leni, seize ans, sont tombés en panne ; ils sont bloqués là, le temps que la voiture soit réparée. El Gringo Brauer s’échine sur le moteur tandis que son jeune protégé Tapioca le ravitaille en bières fraîches et maté, et regarde avec curiosité ces gens si différents qui lui parlent de Dieu.
Dans ce huis clos en plein air, le temps est suspendu, entre-deux, l’instant est crucial : les personnages se rencontrent, se toisent, s’affrontent. C’est peut-être toute leur vie qui se joue là, sur cette route poussiéreuse, dans ce paysage hostile et désolé, alors que l’orage approche.
Ce premier roman de Selva Almada est un très beau texte, très travaillé, sobre, poétique et hypnotique, et qui bénéficie, en plus, d'une excellente traduction de Laura Alcoba.
Je l'ai lu comme une pièce de théatre, un court huis clos désertique dans une ambiance d'Enfer sur Terre, aride, étouffante, causée par la chaleur caniculaire qui règne alors sur l'Argentine, où 4 personnages se côtoient dans une proximité forcée.
El Gringo Brauer, athé confronté quotidiennement à la dureté de la nature/à la vie plus prosaïque que celle du Révérend Pearson, orateur "surdoué" arrivé au prêche de manière assez ironique...; et leurs enfants Leni et Tapioca, sortes d'Adam et Eve modernes...
Une ambiance à la Faulkner, où les nuages s'amoncellent, où l'orage éclate, un condensé de vies, de solitudes, de questions, de décisions, de rapport au père et à la mère, d'abandon, de famille... mais (vous l'aurez remarqué...) dont il est difficile de parler tellement il est dense et laisse surtout un sentiment personnel, de moiteur, de mysticisme (et je ne suis pourtant pas croyante) et de réalité mélangés/confrontés.
Je dirais juste que c'est vraiment incroyable de la part de Selva Almada d'être parvenue à tout cela en à peine 130 pages/23 chapitres. Oui, 23 chapitres, comme les heures d'une journée quasi complète, dont la dernière reste à remplir nous même.
"Demain. Le soir, nous sommes tous optimistes. Nous sommes persuadés que lorsque le soleil d'un jour nouveau apparaîtra au-dessus de nos têtes, nous serons capables de tout changer, de tout reprendre à zéro. Mais le lendemain matin, au réveil, nous sommes accablés, fatigués avant même d'avoir commencé, et, encore une fois, nous remettons tout au lendemain.
Dès lors, demain, ça ne veut pas dire vingt-quatre heures plus tard. Demain, ce sont des années et des années durant lesquelles se perpétue la même misère. Mais moi, je vous dis: demain c'est maintenant."
L'auteur(e) >> Née en 1973 à Entre Ríos, Selva Almada vit aujourd’hui à Buenos Aires. Elle a écrit plusieurs recueils de nouvelles. Après l’orage est son premier roman.
Les éditions Métailié (qui ont offert à ce roman une superbe couv): http://www.editions-metailie.com