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BLABLABLAMIA
2 avril 2015

ON A TUÉ TOUS LES INDIENS - Jules GASSOT

indiens

C'est quoi une rupture? Deux êtres qui se disent au revoir en sachant qu'ils ne se reverront jamais. Deux enfants qui font la guerre, pas dans le même camp. Deux joueurs avec les mauvaises cartes qui ne veulent pas perdre. Une rupture c'est un truc dégueulasse qui arrive par surprise. C'est le gouffre ou l'on sombre comme lorsqu'on est amoureux. Une rupture c'est la mort qui change de nom parce qu'on est toujours vivant. »
K.O. au 7e round. À quelques jours de ses trente ans, Benjamin Chambertin se fait larguer. Après sept ans, Julie ne l'aime plus. Un rêve d'éternité s'écrase sur ses baskets. Tel le Alain Leroy du Feu follet, il cherche à se heurter à quelque chose de solide, à trouver un sens. Errances nocturnes, vertige de la solitude, soigner la vie au whisky, tout faire pour échapper au tocsin de la trentaine.
Drogue, sexe et réalité virtuelle dans la steppe des sentiments. Même si tout est foutu, même si tout est perdu, il y a toujours un visage à viser, à espérer, à vaincre.

(Court préambule: Malade, je tente de tenir quelques minutes assise pour vous parler de ce premier roman qui sort aujourd'hui et auquel je voulais tenir la main pour sa première journée en librairie... mais vous demande pardon si mes propos se révélaient peu clairs...).

Il y a du Beigbeder et du Nicolas Rey dans ce roman de Jules Gassot... un style contemporain, désenchanté, mélancolique, doté d'une acide élégance et de violence. 
Benjamin Chambertin est en plein choc post traumatique, il s'est brutalement fait quitter, après 7 ans d'idylle avec Julie qu'il a connue adolescente et auprès de laquelle il a joué un rôle de pygmalion... alors il coule, lâche prise, navigue entre peine et haine, entre retrouvailles avec de vieux potes tout aussi déboussolés, et compagnie d'inconnues.
Nous l'accompagnons dans ces pages d'errances, son western personnel/sa traversée du désert, qui parlera (fatalement) à tous et à toutes.
Car peu sont celles et ceux qui n'auront pas connu ces moments où les certitudes explosent alors que rien ne le laissait présager, la douleur dont on voudrait se débarrasser quand les souvenirs viennent mettre de l'alcool sur les plaies, ces moments où l'on paierait pour un lavage de cerveau...
Et au-delà de cela, avec Benjamin et son entourage, On a tué tous les indiens dépeint toute une génération/époque, celle des rencontres sur Tinder, des soirées de perdition, de la débrouille en temps de crise, des soucis de logement, de boulot, d'argent, de comment avoir 30 ans ici et maintenant...

Alors, que l'on s'attache ou pas à Benjamin (qui en agacera peut-être certain(e)s), on n'a pas envie de le lâcher dans ses galères et sa tempête intérieure provoquée par cette rupture. On chemine avec lui, du choc, de l'incompréhension, la chute, en passant par l'enfermement, les égarements, ses luttes invisibles, contre le manque, les ombres, la colère.
Cela donne un roman entre spleen et moments de grâce, posant un regard lucide, franc, sincère, parfois cru, parfois poétique, sur ce que représente la torture d'une absence et le processus de désintoxication qu'elle entraîne.

"Je pleure comme un enfant, faute de traverser ce grand vide avec toi. Ton absence me persécute. Je n'arrive pas à garder intact le souvenir de notre amour, la rupture emporte tout sur son passage et ne laisse qu'un champ de merde derrière elle. Tout est crade, notre histoire est souillée et je suis incapable d'aimer ce qui est souillé. Je peux bien m'interroger des heures sur les raisons de notre échec, je ne remonterai jamais le temps. Est-ce que j'aimerais tout nettoyer à la Javel?
Fou celui qui ose rêver d'amour. Je veux me tuer parce que je suis incapable de te tuer toi. Si seulement j'avais pu ne jamais voir le jour. Je maudis ce qui fait de moi un homme. La violence de mon chagrin est aussi forte que mes espérances déchues. Je ne suis pas à la hauteur de mes désirs. L'Enfer est partout. Je me fuis comme la peste. Rien ne sert de courir, il faut partir. J'ai laissé échapper mon amour. Julie me manque, elle me manque à en crever. Nous étions des poèmes vivants, ne restent que des feuilles mortes."

L'auteur >> Jules Gassot est né en 1984. Il partage sa vie entre Paris et la Bourgogne après des études de cinéma à New York puis à Bruxelles. Il a été tour à tour amoureux d'actrices dialoguées, d'ovnis brûlantes sur papier glacé, puis de filles bien réelles. Il fait ses premiers pas d'écriture dans la revue Bordel et publie un premier recueil Manuel de savoir-vivre à l'usage des jeunes filles (Stéphane Million éditeur, 2010, puis Pocket, 2012). On a tué tous les Indiens (Robert Laffont) est son premier roman.

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Commentaires
I
Ta critique donne envie car elle laisse supposer que l'auteur a évité le cliché du spleen et du nombrilisme (qui me fait souvent fuir les romans français). Etant moi-même une quasi trentenaire, le speech fait écho à mon entourage. Je mets sur ma liste. Merci :)
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