MANUEL D'ÉCRITURE ET DE SURVIE - Martin PAGE

Dans ce livre, Martin Page répond aux interrogations d’une jeune écrivaine. Elle s’appelle Daria, elle veut écrire un roman. Au fil de leurs échanges, il lui donne des conseils d’écriture, mais surtout il esquisse des moyens de se débrouiller avec le monde, avec le milieu littéraire, avec ses propres névroses et fragilités. C’est d’abord un livre sur la réalité des écrivains d’aujourd’hui. Il s’agit de concilier l’exigence d’une pratique artistique et la vie quotidienne.
Au fil de ce dialogue, Martin Page dessine une sorte d’autoportrait. Entre dépression et exaltation, il nous parle de l’art sauvage de l’écriture, un art encore jeune, riche de possibilités. Sans escamoter la dureté sociale ni la réalité des coups et des blessures, il défend l’imagination comme forme de résistance. Pour lui, la littérature est un sport de combat autant qu’un des grands plaisirs de l’existence.

Quand on voit que Martin Page propose en téléchargement gratuit sur son site un "homemade book" intitulé Tu vas rater ta vie et personne ne t’aimera jamais... on comprend, et sommes nombreux à partager cette crainte, ce qui l'habite.
Et le titre Manuel d'écriture et de survie me semble y être une réponse positive/"guerrière"/ok "combative", si vous préférez.

Martin Page écrit sans démagogie à Daria comme il aurait aimé qu'on lui écrive lorsqu'il a démarré dans l'écriture, pétri de doutes et plein de ce sentiment d'imposture, pourtant: "Tout le monde devrait écrire. En tout cas, avoir cette possibilité et s'y sentir autorisé."
Il échange avec Daria, mais en vrai et c'est avec vous et moi, lecteurs, et pour certains écrivains, qu'il le fait, avec sincérité et justesse, en nous livrant sa propre version contemporaine des Lettres à un jeune poète de Rilke.

De l'envie/évidence de l'écriture à la peur de l'échec, la légitimité à aller chercher en soi et à imposer aux autres, Martin accompagne Daria jusqu'à un premier aboutissement.
Il la met en garde, la conseille, lui parle de la réalité/fragilité/solitude du métier d'écrivain, sans le romantisme/les clichés que certains ont tendance à (trop) imaginer.

Il explique avec humour les aspects très terre à terre (la galère des fins de mois, parfois, la paperasse, pas de RTT ni de congés payés, la promo à assurer...), l'égo mis à mal, les incertitudes permanentes, le manque de reconnaissance/le trop-plein de reconnaissance... les jalousies, les idioties, la "politique"/les portes du milieu de l'édition qu'il faut forcer, la société en difficulté (et force parfois à l'illégalité), les personnes en manque de rêves et d'enthousiasme.

Et, en filigrane, il livre des aspects plus intimes, sur sa vie, son passé/enfance/ses débuts, son couple, leur "exil" en province (et la force d'internet: des mails aux blogs), son côté un peu dépressif, tour à tour renfermé puis exalté...

Il donne aussi un point de vue affirmé (et je partage cette citation que j'adore: "Je crois qu'on pourrait enlever les murs de ma maison, les livres la feraient tenir debout") sur la préciosité de la lecture (j'ai d'ailleurs noté quelques titres qu'il conseille et dont il distille quelques citations) et surtout l'urgence à faire tomber les barrières qui empêchent parfois les gens de se lancer dans certains romans "impressionnants", l'importance de rendre la lecture accessible à tous, partout, que ce soit dans les écoles ou en prison.
Et en parlant d'école, il déclare haut et fort le plaisir qu'est pour lui d'écrire pour la littérature jeunesse, comme celui de participer à des ateliers d'écriture. 

Bon, je pourrais vous en parler pendant des siècles tant ce livre m'a touchée, parce qu'il verbalise bon nombre de mes convictions, et qu'il encourage coûte que coûte à continuer, à lire, écrire, affronter les échecs, comme les succès, avec élégance. 

Manuel d'écriture et de survie est un livre que je relirai, un livre optimiste, et réaliste, sur ce métier qui fait envie et semble inaccessible, c'est une main tendue qui "désacralise" avec honnêteté, tout en offrant un bel écrin à l'écriture, à la lecture, et, plus largement, à l'espoir.


"De toute façon, celui qui donne des conseils cherche d'abord à s'éduquer lui-même. Parler à quelqu'un est une manière détournée de se parler à soi. Ne croyez pas que j'aie une triste vision des rapports humains. Certes, je pense que l'autre nous permet d'accéder à notre propre intimité. Mais se comprendre est le meilleur service qu'on puisse rendre à ceux qu'on aime.
Bien à vous,      Martin" 


Martin Page est né en 1975. Il est l'auteur, entre autres, de Peut-être une histoire d'amour et, dernièrement, de L’Apiculture selon Samuel Beckett. Il écrit également pour la jeunesse.
Son blog: http://www.martin-page.fr
Son Tumblr (en anglais): http://mrtnpage.tumblr.com

Les éditions du Seuil: http://www.seuil.com

Lien vers le billet de Cathulu: http://www.cathulu.com/archive/2014/05/02/manuel-d-ecriture-et-de-survie-5359417.html
Lien vers le billet de Martine: http://www.leslecturesdemartine.com/2014/05/manuel-d-ecriture-et-de-survie.html

PS: Cher Martin Page, j'attends avec impatience le roman de la rentrée, qui sortira sous le pseudo de Pit Agarmen, d'ici là, je vous souhaite "de faire bon usage des tempêtes"...

Comments

[Martin]

En fait, c'est la version poche de La nuit a dévoré le monde qui sort. Le nouveau Pit Agarmen sort en janvier. Ce roman a connu de nouveaux développements. Il mettra en scène une femme, et j'aborde un autre thème de la littérature de genre.

[Martin]

Merci pour cette lecture, et l'article. "Combattif" me va bien, je prends !

Belle journée,

Martin

[PPL]

"de faire bon usage des tempête", c'est beau ça. Et les qqs citations que tu as mises m'ont envoyé l'acheter hier et je l'ai lu deux fois!Thanx!

[Karine:)]

Tiens... je suis curieuse curieuse! Je n'ai pas l'envie folle d'écrire (le blog me suffit) mais j'aime lire sur l'écriture!

[Mior]

Merci pour cette critique enthousiaste qui donne vraiment envie ! Et pour quelqu'un qui a appelé son blog " les livres sont nos maisons de papier", la citation est plus qu' amusante ...