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BLABLABLAMIA
29 mars 2014

NOUS ÉTIONS UNE HISTOIRE - Olivia ELKAÏM

 

nous étions

Quand Anita accouche d’un petit garçon, toute sa famille se réjouit. Pas elle. Angoisses, nuits sans sommeil, hallucinations… Le présent se dérobe, le passé refait surface. 
D’où vient un tel désarroi? Anita quitte son mari et son bébé pour fuir vers Marseille, ville qui fut le théâtre d’un psychodrame familial. Elle tente de comprendre comment, entre sa mère, l’omniprésente et égocentrique Rosie, et sa grand-mère, Odette, séductrice et alcoolique, elle peut trouver sa place.

Bien que n'ayant pas ressenti exactement les mêmes choses qu'Anita, disons sans atteindre ses extrêmes, je me suis retrouvée en elle, ayant également traversé ce que l'on appelle "une dépression post partum".
Ca arrive, ce n'est pas "grâve", enfin, c'est quelque chose dont il faut prendre conscience, et, surtout, quelque chose à ne pas/plus taire.
Or, souvent, c'est ce que font les femmes: se taire, "honteuses"...
Elles se renferment et n'osent même pas en parler à leur entourage proche qui attend qu'elles se réjouissent, soient épanouies dans leur rôle, uniquement.
Alors elles encaissent, souffrent en silence... ce qui n'empêche guère cette souffrance d'hurler en elles.

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Dans Nous étions une histoire, nous rencontrons Anita alors qu'elle est à Marseille, après avoir accouché de son fils, Orson ("car elle est documentariste"), elle a perdu pied, car l'évidence de la maternité ne lui a pas sauté au visage.
Elle ne ressent rien. Elle se sent engloutie/vampirisée par cet enfant. Elle se demande si elle l'aime comme elle devrait. 
La fatigue, la solitude ressenties, l'incompréhension et la peur d'elle même, son couple qui se transforme en famille, son compagnon qui devient père, la ré adaptation que cela demande + l'absence de sa propre mère à ses côtés... = Elle plonge.
Oui, certains propos peuvent être "jugés" durs, mais il faut finir par l'admettre: devenir mère n'est pas toujours évident, et ce malgré l'amour. Parfois la panique/l'épuisement l'emportent face au chamboulement d'une naissance, la vie en cercle fermé qu'elle "impose", sa routine assassine.  

Alors, comme l'image de bandeau de cette jeune femme hésitante, debout mais si fragile, Anita va devoir choisir entre garder la tête baissée ou la relever...
Pour cela, elle est poussée à partir par Louis, le papa d'Orson, facilement devenu papa, lui.
Elle s'éloigne, 
se rend dans les villes de ses racines, Marseille, veillée par la Bonne mère, puis, plus tard, Carthage (ville qui, selon certaines hypothèses, non vérifiées à 100% à ce jour, aurait pratiqué un rituel de sacrifice d'enfants...).
Elle prend de la distance pour mieux voir l'écran de sa vie, la "ranger", "enterrer ses morts", apaiser les souvenirs, retrouver ses repères et s'autoriser à devenir mère. 

Car Nous étions une histoire est aussi un récit sur les descendants que nous sommes, les ascendants que nous avons, la famille à laquelle nous appartenons, les femmes, et les hommes, qui nous ont élevés. 
Ici, une famille "atypique" aux silences imposés, sa façade à préserver, et la filiation/transmission "indirecte", l'utilité de creuser en soi parfois, de consulter pour enfin verbaliser et entendre son passé, se réapproprier son histoire: 
"N'oublie pas d'où tu viens, Anita, si tu veux savoir où tu vas."

Vous l'aurez compris ce roman a été pour moi un coup au coeur/coup de coeur...
Dans un style touchant d'authenticité, sans emphase, direct, épuré, Olivia Elkaïm aborde un tabou, sans "le justifier", mais en actant une réalité, et décrit le parcours d'Anita, de Rosie et Odette, avec force et justesse, "revendiquant" délicatement le droit des femmes/mères à ne pas être des images irréprochables, mais à être juste elles mêmes.

Un roman qui résonne, et dont le très beau titre au "nous" familial/collégial (issu d'une chanson, au titre également symbolique de Léo Ferré: Words words words...) permet à cette histoire de prendre une dimension personnelle en chacun(e) d'entre nous.


"Au psychiatre là-bas, j'avais dit ce que je n'étais parvenue à dire à personne, ici - ni à mes amis, ni même à Louis: l'envie de rien, le vide m'aspirant entière, paralysant mon corps, et surtout ces souvenirs qui, depuis la naissance de mon fils, revenaient par vagues.
Ma grand-mère, ma mère, leur histoire.
D'une main, je tendais au médecin trop photographies couleur sépia, maigres témoignages du passé. De l'autre, je cognais sur son bureau.
Mes mots étaient secs, crachés dans un sanglot."


Par ici, le bien joli billet du petit carré jaune: http://lecarrejaune.canalblog.com/archives/2014/03/11/29412193.html
Et par ici le ressenti d'un homme, cher hibou: http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2014/03/nous-etions-une-famille.html

(PS: vous pouvez aussi découvrir deux des précédents romans d'Olivia Elkaïm - Les Graffitis de Chambord et Les oiseaux noirs de Massada - chez J'ai Lu.)

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Commentaires
A
C'est trop bien écrit cet article, je vais le commander là
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D
Le livre que j'aurais aimé lire en 2005, à la naissance de mon fils.
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K
Oh, je meurs d'envie de le lire maintenant. Très beau billet.
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M
J'ai connu cela lorsque je vivais dans un pays loin de chez moi il y a de cela 30 ans, votre article m'a mis les larmes aux yeux et je suis allée acheter ce livre cet après midi, ma libraire a voulu connaitre votre blog, je lui ai volontiers donné l'adresse, j'ai tout de suite commencé la lecture je ne peux que vous dire merci du conseil
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