LES PETITS CONTRETEMPS - Gaëlle HÉAULME

Recueil de moments de basculement, de déclics, comme de petits courts métrages dans lesquels nous nous trouvons plongés dès les premiers mots, Les petits contretemps, au titre tristement ironique (...), est un de ces livres que j'ai envie de porter, de soutenir.
Cela peut ne pas être un livre facile à lire car il bouscule, n'adoucit pas l'image du quotidien, des rapports humains ou amoureux, mais il laisse franchement bouche bée.
Des pensées noires, des ruminations, des peines, du suspens dans un "banal" quotidien partagé, des explosions ou prises de conscience dans la routine, des arrêts sur l'image de ces moments où l'on dit "stop, là je ne peux plus"...
Et malgré le côté un peu "dérangeant" parfois, il y a un côté cynique jubilatoire, qui entraîne un sourire sardonique, oui, comme dans certains films de Dupontel par exemple, on sait qu'il ne faut pas que ce genre de choses extrêmes arrivent, mais que cela peut arriver... et ces pétages de plombs, ces lâchages de rampes, ces moments suspendus où la lassitude, la faiblesse ou la colère l'emportent, pourraient être racontés comme de simples faits divers dans un journal... ici, il sont décrits par une main alerte et affûtée.
Il y a aussi des passages prenants parlant d'abandon, d'injustice, de perte insoutenable, du cancer qui ronge, l'hôpital, la fin de vie...
Des fins d'histoires, déclenchements de haine et de colère. Ces moments où éclatent les hématomes que l'on s'évertue à masquer, le maquillage qui craque, le masque qui valse loin. Et parfois, aussi, des revanches tardives et jouissives.

Il y a dans ces pages, quelque chose à l'opposé de l'aseptisé...
De la rage, une force, une tension qui nous tient dès le début de chaque histoire, jusqu'à la chute, souvent à couper le souffle.
Une plume ardente qui nous offre un livre exalté, féroce, mais aussi constellé de moments de grace.
Telles les deux dernières pages qui sonnent comme... une déclaration, un hommage, à tous, aux forts, aux faibles, à toutes celles et tous ceux qui se battent, chacun à leur manière, même s'ils (se) perdent parfois...
"Un jour enfin on la remonte, on la couche dans un lit propre, elle a une fenêtre, elle peut voir les arbres et la lumière. Pas de voisine. Le soleil se couche et les branches sont dentelle noire.
On lui lave les cheveux. Un oreiller sous la tête.
Une fois, elle transpire comme un boeuf, sent l'écurie ou l'abattoir et vacille, l'infirmier, sans qu'elle ait proféré un son, penche sur elle son beau visage, Ne vous inquiétez pas, vous êtes une rose."
PS: J'aime définitivement beaucoup la collection Qui Vive de Buchet Chastel, qui prend des risques en donnant vie à des premiers romans et des écrits "particuliers", dont je suis personnellement totalement public, sans parler de la qualité de papier et le format que j'aime beaucoup. J'ai d'ailleurs encore deux titres de cette collection dans ma PAL: Sauf les Fleurs de Nicolas Clément, et The Queen is Dead d'Aurélia Bonnal :-)