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BLABLABLAMIA

20 mai 2022

LA BRILLANTE DESTINEE D'ELIZABETH ZOTT - Bonnie GARMUS

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Elizabeth Zott n’est pas une femme ordinaire. Elle serait d’ailleurs la première à faire remarquer qu’il n’en existe pas. Nous sommes au début des années 1960 et, à l’Institut de recherche Hastings où elle est chimiste, les hommes ont une vision très peu scientifique de l’égalité. Seul fait exception le solitaire et brillant Calvin Evans, favori pour le prix Nobel, qui tombe amoureux de l’esprit rationnel d’Elizabeth et de sa beauté. Le résultat d’une véritable alchimie.
Comme la science, la vie prend parfois des détours : Elizabeth abandonne la chimie pour devenir la vedette de l’émission de cuisine la plus populaire d’Amérique avec ses techniques inhabituelles qui se révèlent révolutionnaires. Mais, alors que son influence grandit, elle ne fait pas que des heureux. Il s’avère qu’elle n’apprend pas uniquement aux femmes à faire la cuisine, elle les met aussi au défi de changer le statu quo.

Si vous ne voulez emporter qu'un seul livre avec vous sur la plage (ou ailleurs) cet été (oui j'anticipe), prenez celui-ci.
Déjà, il ne fait pas loin de 600 pages, ça devrait vous occuper un moment (sans jamais vous ennuyer), et vous devriez tomber comme moi sous le charme de l'intransigeante et attachante Elizabeth Zott, que j'ai souvent eu envie de serrer dans mes bras (une chose est sûre, elle aurait détesté! ;-)).

Avec La brillante destinée d'Elizabeth Zott, Bonnie Garmus signe un premier (!) roman assez épatant, une histoire originale et intelligente sur la quête de validité d'une femme scientifique dans les années 1960, qui va se retrouver à animer une émission culinaire, non sans éclat(s).
Une chimiste/mère célibataire décalée qui ne correspond pas aux stéréotypes imposés de l'époque, confrontée à une société machiste et patriarcale renvoyant les femmes à la sphère domestique (belle capture de l'époque, finalement pas toujours si éloignée de l'actuelle...).

Un premier roman (oui je répète, tant c'est notable) frais, pertinent et plein d'esprit, à la savoureuse collection de personnages secondaires (dont Six-Trente, un chien militaire réformé que tout le monde rêverait d'adopter) qui, tout en nous divertissant, dépeint assez brillamment le processus de domination masculine, de harcèlement, d'écrasement... et défend haut la main (et poing levé) le droit à l'accomplissement de soi, y compris des femmes,  n'en déplaise.

NB: J'étais sûre, au cours de ma lecture, de retrouver prochainement cette histoire sur le petit ou le grand écran, et bien en effet une adaptation est bel et bien prévue par Apple TV, produite par Jason Bateman, avec Brie Larson en Elizabeth.
A suivre!  

"Je parle de nous réparer, monsieur Roth - de réparer nos erreurs. La nature fonctionne sur un plan intellectuel plus élevé. Nous pouvons apprendre davantage, nous pouvons aller plus loin mais, pour y parvenir, nous devons ouvrir les portes. Trop de brillants esprits sont tenus à l'écart de la recherche scientifique à cause de préjugés ignorants, de notions telles que le sexe et la race. Ca me rend furieuse et ça devrait vous rendre furieux vous aussi. La science a de gros problèmes à résoudre: famine, maladie, extinction. Et ceux qui ferment délibérément la porte aux autre en utilisant des notions culturelles désuètes et intéressées ne sont pas seulement malhonnêtes, ils sont sciemment paresseux."

L'auteur(e) >> Directrice de création, Bonnie Garmus a travaillé dans le secteur médical, éducatif et techonologique. Née en Californie, elle vit aujourd'hui à Londres avec son mari et leur chien 99. La Brillante Destinée d’Elizabeth Zott est son premier roman.

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8 mai 2022

OHIO - Stephen MARKLEY

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Par un fébrile soir d’été, quatre anciens camarades de lycée désormais trentenaires se trouvent par hasard réunis à New Canaan, la petite ville de l’Ohio où ils ont grandi.
Bill Ashcraft, ancien activiste humanitaire devenu toxicomane, doit y livrer un mystérieux paquet. Stacey Moore a accepté de rencontrer la mère de son ex-petite amie disparue et veut en profiter pour régler ses comptes avec son frère, qui n’a jamais accepté son homosexualité. Dan Eaton s’apprête à retrouver son amour de jeunesse, mais le jeune vétéran, qui a perdu un œil en Irak, peine à se raccrocher à la vie. Tina Ross, elle, a décidé de se venger d’un garçon qui n’a jamais cessé de hanter son esprit.


Quel exploit pour un premier roman!

Stephen Markley nous montre le visage d'une Amérique post 11 septembre malade, en complète perdition.
Pour cela, il a choisi l'Ohio dont il est originaire, et dresse le portrait de divers (4) personnages/ex amis de lycée en manque de repère dans ce pays qui les sacrifie sur l'autel d'intérêts économiques, ou celui d'une guerre absurde.

C'est remarquable, même si on s'y perd/s'y ennuie parfois, on se trouve, après donc un démarrage un peu laborieux, emporté dans ce roman noir qui oscille entre passé et présent.

Une fresque sociale sombre, puissante, humaine et désespérée, faite de sexe, drogue, débrouille, domination et violence, qui nous révèle la crasse et la brutalité de l'âme humaine.

Un roman à lire si on a le cœur bien accroché, un auteur à suivre, incontestablement.

"Une horde d'escrocs parvenus avait ratissé l'Etat, en commençant par les quartiers où les retraites gelées de pieuses veuves noires en faisaient des cibles faciles, avant de passer aux enclaves populaires blanches puis aux banlieues de la première couronne. Les saisies débutèrent et des quartiers entiers se transformèrent en champs de mauvaises herbes galopantes, ponctués de coquilles abandonnées ou de squats à dope. Ameriquest, Countrywide, CitiFinancial - tous ces salauds perfides qui guettaient les plans sociaux et les fermetures d'usines, les luttes et les peines de l'Etat, et qui inventaient des moyens de s'enrichir sur le désespoir des habitants. Toutes les villes de l'Ohio avaient de grandes étendues gangrenées qui ressemblaient à New Canaan, la même géographie de zones commerciales aux avant-postes violemment éclairés vantant diverses variations autour du crédit à la consommation."

L'auteur >> Diplômé de l'Iowa Writers' Workshop, Stephen Markley est auteur de "Publish This Book" (2010). 
Avec son premier roman, "Ohio" (2018), il s’impose comme un formidable cartographe de l’Amérique contemporaine et de ses fractures. Ce roman est en cours d'adaptation télévisée aux États-Unis. Il vit à Los Angeles.
Son site: https://www.stephenmarkley.com/

21 avril 2022

LE CHAT QUI VOULAIT SAUVER LES LIVRES - SOSUKE NATSUKAWA

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Rintaro, adolescent asocial, vit avec son grand-père et l'aide dans sa librairie d'occasion.
À la mort de ce dernier, Rintaro hérite du magasin, mais songe à le fermer et emménager chez sa tante. Quand un chat, nommé Tigre, entre dans le magasin et... lui parle pour lui demander de l'aide: il y a des livres à sauver.


Là, j'ai douté. Je ne suis pas fan des histoires (pour adultes) dans lesquelles les animaux parlent.
Si vous êtes comme moi, soyez rassuré/es, ça marche parfaitement bien.
Et puis comment résister à un tel titre? ;-)  


Sosuke Natsukawa est l'un des auteurs les plus vendus au Japon, Le chat qui voulait sauver les livres a été traduit en 36 langues, ce qui prouve, si besoin était, que l'amour de la littérature (et des chats...) ne connaît pas de frontières.

L'amour des livres et de la lecture éclate à chaque page dans ce roman sous forme de conte.
Mais L'histoire du chat qui voulait sauver les livres est plus qu'un hommage aux livres, il contient un vrai propos (parfois drôle, parfois acide) sur la valeur/le temps que l'on accorde aux livres/la lecture, les intérêts éditoriaux/marketings (ah, le fichu concept de l'offre et de la demande...), les diktats/la manipulation sourde, la surproduction et la consommation de masse (coucou Amazon), le pilonnage (ce crève-cœur)...

En somme, "l'amour" maladroit des livres, que l'on ne peut/devrait définitivement pas traiter comme un bien de consommation lambda.

Une courte fable distillant un message d'espoir et d'optimisme, une belle surprise, accessible aux plus jeunes.

"Si tu te contentes de lire des livres à tour de bras ta vision du monde en restera limitée.
Tu auras beau accumuler le savoir, si tu ne réfléchis pas par toi-même, si tu ne marches pas de tes propres jambes, tout cela ne sera que connaissances vides et empruntées."


L'auteur >> Sôsuke Natsukawa est un écrivain et médecin japonais né en 1978 à Osaka. Son premier roman, Kamisama no Karute, a reçu les prix Shogakukan Fiction et Japan Bookseller Award et a été adapté au cinéma. Publié en 2017, Le chat qui voulait sauver les livres a été un best-seller au Japon et à l’international, traduit dans 36 langues.

18 avril 2022

LES ACCORDS SILENCIEUX - Marie-Diane MEISSIREL

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New-York, juin 1937, Tillie Schultz perpétue la tradition familiale et entre chez Steinway & Sons pour travailler auprès des « immortels », ces pianistes de légende comme Rachmaninov et Horowitz. Grande mélomane, son talent n’égale pas celui des maîtres qu’elle côtoie. Pour vivre sa passion, elle ne peut que se mettre au service de ceux qui possèdent le génie qu’elle n’a pas.
Hong Kong, septembre 2014. Xià, une étudiante chinoise, retrouve le plaisir de jouer grâce à Tillie Fù et à son Steinway. Elle s’autorise, pour la première fois depuis un examen raté, à poser ses doigts sur un clavier et interprète pour Tillie les airs que la vieille dame ne peut plus jouer. Si soixante-dix ans séparent les deux femmes, elles sont unies par une histoire commune insoupçonnée et par leur amour pour la musique qui projette sur leurs vies une lumineuse beauté.

D'abord, il y a ce titre, merveilleux, puis les pages que l'on tourne délicatement, tant l'écriture tient de la dentelle. Et la musique qui vous emporte, loin.

Les Accords Silencieux nous narre le parcours romanesque de 2 femmes, que de nombreuses années séparent et que rien ne semble lier, à part l'amour du piano, incarné par un magnifique Steinway, personnage principal de ce roman.

Un voyage musical (où l'on croise les immortels Rachmaninov et Horowitz), qui nous fait traverser l'histoire, d'une époque à une autre, d'un continent à un autre, où des destins entremêlés croisent la tragédie de la guerre, de la violence, des choix imposés.
Et où les âmes, comme les notes d'une partition, se parlent, se reconnaissent, s'assemblent, et rendent les choses belles, in fine.


Un roman plein de grâce, à la beauté intemporelle, rare.

" Hong Kong, 25 septembre 2014

Seule dans le noir, Tilly guette les derniers rayons du soleil. Ils sont les rares visiteurs de sa maison de Happy Valley, les compagnons de ces interminables journées. 
Elle aimerait aussi accueillir le vent, sa caresse, ses murmures mais ici, il est sauvage et ne vient qu'en rafales, alors les fenêtres restent closes pour éviter que les portes ne claquent et se referment sur sa solitude. Chaque faisceau lumineux soulève une poussière d'étoiles et pave une voie vers cet autre monde où l'attendent ceux qu'elle porte dans son cœur. Pourquoi ne pas partir maintenant ? Fermer les yeux et se laisser glisser vers cet au-delà peuplé de visages familiers... Mais la vie s'accroche et la retient malgré elle. Ce mystère la dépasse: que lui reste-t-il à faire sinon s'y abandonner, elle qui n'a plus personne à qui donner ?"

L'auteure >> Née en 1978 à Paris, Marie-Diane Meissirel est franco-américaine. Après des études de sciences politiques et de commerce en France et à Hong Kong. Elle vit désormais à Singapour. Les Accords silencieux est son premier roman paru aux éditions des Escales.

1 avril 2022

LE CREPUSCULE DES ABEILLES - Célestin ROBAGLIA

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Alors que je vous écris, j'en suis à mon second rdv manqué avec Célestin Robaglia, l'auteur de ce roman engagé, sorti aux éditions Tana.

Et je le regrette car j'aurais adoré discuter avec lui de ce livre qui, à travers l'histoire d'Elsa et d'Alice, et le marathon judiciaire les concernant, porte un message crucial, tient un propos très documenté, clair et synthétique, qui fait froid dans le dos et éveille nos consciences.

Un livre à la cause juste, plein de conviction, jamais mélodramatique, où tout est clair et révoltant sur les ravages des pesticides sur le vivant, et la façon dont les études scientifiques sont biaisées par les lobbies qui détournent, contournent et gagnent du temps (et le temps c'est de l'argent, on le sait bien...).

Parce que les intérêts économiques ont toujours été supérieurs à la santé publique, voyez-vous, parce qu'à coups de tentatives d'intimidation et de com' coûteuses au degré zéro de moralité, ils gagnent la confiance d'agriculteurs acculés et aveuglés, qui (s')empoisonnent pour s'en sortir.

Parce que, finalement, que vaut une vie humaine, la survie des abeilles et autres insectes, face à des actionnaires qui veulent rentabiliser leur investissement, hein?  Je vous le donne en mille: peanuts.

Un livre à lire absolument, qui fait écho au film Goliath de Frédéric Tellier avec les excellents Pierre Niney et Gilles Lellouche, à voir absolument également.

PS: les nécotinoïdes (pesticides pourtant interdits dans l'union européenne depuis 2018) viennent d'être à nouveau autorisées par le gouvernement dans les champs de betteraves sucrières... Tout va bien.

"Le problème des pesticides est souvent vu comme un élément parmi d'autres de la crise écologique globale. C'est vrai en un sens, mais cela masque le risque déterminant qu'ils font peser sur le vivant. Dans un monde où toutes les problématiques environnementales seraient résolues à l'exception de celle-ci, l'avenir resterait compromis. La disparition des insectes, qui sont tout aussi essentiels à la chaîne alimentaire qu'à la polinisation, ébranlerait la structure même du vivant à son niveau le plus fondamental, et pourrait mener à un effondrement en chaîne dont les conséquences seraient inimaginables.
L'interdiction totale des pesticides semble être la seule issue réaliste à ce désastre annoncé. Les raisons sont multiples: les études réalisées par les firmes agrochimiques pour l'homolgation de leurs pesticides sont protégées par le secret commercial; la présomption d'innocuité de ces produits, une fois en vente, l'emporte sur le principe de précaution; enfin, le manque de moyens de la recherche indépendante et la multiplication des études sur les causes autres que chimiques rendent l'établissement de preuves formelles sur les dégâts constatés (cancers, extinction de la biodoversité...) extrêmement compliqué. Résultat, il faut plusieurs décennies pour faire interdire une seule molécule, quand des centaines d'autres restent en vente libre. A ce rythme, combien d'insectes restera-t-il dans un demi siècle?"


L'auteur >> À la fin de ses études, Célestin Robaglia quitte Paris pour la Bretagne, où il fonde un écolieu avec un groupe d’amis afin de vivre en accord avec ses aspirations profondes : la quête d’un mode de vie en harmonie avec la nature. Le crépuscule des abeilles, son troisième roman, est un texte engagé, issu de sa conviction que l’enjeu majeur de notre époque est la sauvegarde de la biodiversité et des équilibres naturels fragilisés, dans l’espoir d’offrir un avenir viable à l’humanité et à l’ensemble du vivant.

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17 mars 2022

ROSA DOLOROSA - Caroline DORKA-FENECH

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C'est l'histoire d'une mère et de son fils, à la relation fusionnelle, dans un Vieux-Nice à l'atmosphère parfaitement décrite.
Quand survient l'un des pires drames (le meurtre d'un enfant) c'est tout leur univers qui bascule, et emporte le lecteur entre l'espoir, les doutes et l'amour inconditionnel qui animent Rosa face à l'inculpation de son fils; tout en ressentant viscéralement la peine et partageant l'envie de vérité des parents de la victime.
Que s'est-il donc passé? Lino serait-il capable d'une telle abomination?

On accompagne Rosa, on devient Rosa, qui inonde d'amour maternel chaque page de ce roman, déterminée à prouver l'innocence de son fils.
Jusqu'où va la mener sa quête de vérité, vis à vis des évènements, et d'elle-même?

Rosa Dolorosa, au titre magnifique, est un roman percutant et touchant, qui angoisse, interpelle le parent qui est en nous, questionne (de quoi sont capables nos proches? Les connaît-on jamais vraiment?), jusqu'au dénouement final, qui nous laisse KO.

Un premier roman impressionnant, aux personnages incarnés, à l'écriture fluide, rythmée et imagée, que je ne serais pas surprise de voir adapté au cinéma, ou en série.

"S’il était une chose dont elle était certaine, c’était que Lino n’était pas un monstre. Son fils était cet être lunatique mais attentionné pour lequel elle s’était toujours dévouée. Il était celui qui l’inspirait. Pour lui, pour qu’il soit fier, elle avait tout tenté pour éviter de reproduire la lente dégradation maternelle dont elle avait été le témoin, enfant. Pour lui, pour qu’il ne se sente jamais seul, elle s’était acharnée à devenir cette bonne maman qu’elle aurait voulu avoir. Une maman présente. Une maman vivante."

L'auteure >> Caroline Dorka-Fenech est une écrivaine française née en 1975.
Diplômée de lettres modernes et de l’Atelier scénario de la FEMIS, elle travaille consécutivement en tant que lectrice de scénarios, script doctor et enseignante.
Elle a obtenu le Prix des Rendez-vous du premier roman, et a été lauréate du festival du premier roman de Chambéry 2021 pour Rosa Dolorosa. 

2 mars 2022

DES CHOSES QUI SE DANSENT - Germain LOUVET

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Des choses qui se dansent pourrait être un (énième) récit comme tant d'autres, narrant le parcours d'un enfant de la campagne, différent mais entouré/encouragé par des parents aimants et bienveillants, que rien ne destinait à devenir danseur Etoile à  l'Opéra de Paris.

Un chemin sans trop d'embûches, qui nous immerge dans la vie du fourmillant internat de l'Opéra jusqu'à la loge plus solitaire du danseur Etoile, bien que l'impasse ne soit pas faite sur les heures astronomiques de travail, la compétition (n'empêchant pas les amitiés), les violences psychologiques, les exigences physiques (où l'on se doit, en plus d'avoir du talent, de répondre à la beauté normée/standardisée des corps).

Et c'est là que le propos de Germain Louvet s'engage dans une voie différente.
Car, bien que conscient de son statut privilégié, il partage et explique les revendications humaines et sociales qui animent les troupes, confie avec ferveur son désir de bousculer les traditions, de dépoussiérer certains critères archaïques, d'élargir le cadre (sans toutefois le détruire ni renier l'institution à laquelle il doit tant).
Et de tendre ainsi la main à une plus grande diversité sur scène et dans le public, qui se reconnaîtrait enfin dans ce qui lui est proposé.

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Des choses qui se dansent est un livre fougueux et sincère, à l'élégante beauté du geste dans de nombreux sens du terme.
Le témoignage introspectif engagé d'un jeune danseur Etoile gardant les pieds sur (et dans la) terre.

"Nous sommes perdus si nous baissons les bras. Si nous courbons l'échine pour aller dans le sens de la marche sans se faire remarquer. Pour se baisser de plus en plus, jusqu'à s'écrouler et disparaître (...) S'arracher du néant braver les astres noirs, se soustraire aux forces réactionnaires et à l'autoritarisme."

L'auteur >> Germain Louvet est né le 23 mai 1993 à Chalon-sur-Saône en Saône-et-Loire, est un danseur français. Il est nommé danseur étoile au ballet de l’Opéra national de Paris le 28 décembre 2016. Il est le frère du coureur cycliste professionnel Louis Louvet. Des choses qui se dansent est son premier livre.Il interprètera le personnage de Solor dans La Bayadère à l’Opera Bastille les 2, 5, 8, 11 et 17 avril 2022.

22 février 2022

PARIS-BRIANÇON - Philippe BESSON

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L'intercités 4789 est un train de nuit reliant Paris à Briançon, et dès le début Philippe Besson nous l'annonce: certains voyageurs n'arriveront pas vivants à destination.
Qui? Pourquoi?

On se prend à espérer qu'aucun des personnages de cette galerie de portraits attachants ne compte parmi les victimes, alors que notre train (essentiel, mais un brin suranné) progresse dans le noir, nous plongeant dans huis clos aussi inoffensif en apparence que sérieusement angoissant.

Une parenthèse choisie pour diverses raisons, mais volontaire ou forcée, celle-ci va (enfin) laisser le temps aux passagers de se croiser, se parler, d'aller à la découverte des autres et de soi-même, enjoignant la solitude/les doutes/la peine/la violence à se faire plus discrètes.

Paris-Briançon est un condensé de vie(s), un livre court à la fin abrupte, comme nos existences.
Un roman profondément humain, sur la force du hasard, les blessures/errements d'une société pressée, la fragilité du fil qui nous tient, les drames qui nous frappent sans sommation... et les secondes chances à saisir tant qu'il est encore temps.

Banal en apparence, sérieusement juste et pertinent.

"Il est beaucoup plus facile de se confesser devant une personne qui ne sait rien de vous, qui ne vous jugera pas, qui n'osera pas, qui ne vous délivrera pas de conseils, qui ne s'y sentira pas autorisée, c'est comme parler au vent, ou parler à la mer du haut d'une falaise."

L'auteur >> Auteur de premier plan, Philippe Besson a publié aux éditions Julliard une vingtaine de romans, dont En l’absence des hommes, prix Emmanuel-Roblès, Son frère, adapté au cinéma par Patrice Chéreau, L'Arrière-saison, La Maison atlantique, Un personnage de roman, « Arrête avec tes mensonges », prix Maison de la Presse, en cours d’adaptation au cinéma, et Le Dernier Enfant.

13 octobre 2019

LOIN - Alexis MICHALIK

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« Comment avoir l’audace de prétendre être en vie si l’on vit sans oser ? »
Tout commence par quelques mots griffonnés au dos d’une carte postale : « Je pense à vous, je vous aime ». Ils sont signés de Charles, le père d’Antoine, parti vingt ans plus tôt sans laisser d’adresse. Avec son meilleur ami, Laurent, apprenti journaliste, et Anna, sa jeune sœur complètement déjantée, Antoine part sur les traces de ce père fantôme. C’est l’affaire d’une semaine, pense-t-il… De l’ex-Allemagne de l’Est à la Turquie d’Atatürk, de la Géorgie de Staline à l’Autriche nazie, de rebondissements en coups de théâtre, les voici partis pour un road movie généalogique et chaotique à la recherche de leurs origines insoupçonnées.

Alexis Michalik a de nombreux talents, auteur de théâtre reconnu, brillant metteur en scène, c'est un des surdoués de sa génération, selon moi (et selon beaucoup d'autres, puisqu'il a déjà 5 Molières à son actif).
Alors quand j'ai appris qu'il s'était essayé au roman, je n'ai, d'une part, pas été très surprise, mais surtout ai été très curieuse de découvrir ce que cela pouvait donner (pas de suspens: une réussite!).

Alexis Michalik aime partager des histoires, cela se voit dans tout ce qu'il entreprend, il aime divertir tout en éclairant ses lecteurs/son public sur des faits, historiques ou contemporains. Il aime l'aventure... et il s'en est offert une belle avec Loin. 
Un roman-fleuve plein de rebondissements (peut-être pas toujours très crédibles, mais rien de grave!), des dialogues enlevés, des scènes très visuelles, des personnages attachants, qui font la force de ce road movie documenté, plein de références (historiques, géographiques, culturelles et littéraires), nous faisant traverser divers pays (et époques), et croiser le chemin de personnages pittoresques.
 
Dès les premières pages j'étais conquise et ne voulais plus quitter Antoine, Laurent et Anna dans ce voyage autant physique qu'intime, leurs questionnements, leur recherche de vérité (et sa discutable utilité), leur quête d'eux-même et de profondeur
Leur périple permet à Alexis Michalik d'aborder des thèmes comme le mystère des sentiments, l'amour tiède, l'amitié évidente, la fraternité qui l'est moins, le ressentiment, le passé qui empêche d'être présent, ce qui nous constitue et ce que l'on en fait.

Loin bénéficie de l'imagination sans bornes de son auteur, de son écriture vive, intelligente, cultivée et pleine d'humour.
On sourit, on est touché, on apprend (la petite histoire traversant la grande), et je n'ai pas été surprise d'apprendre que l'auteur en avait commencé l'écriture en imaginant en faire une série (ce qui reste une éventualité, bien que cela présenterait certaines contraintes économiques que l'écriture avait écartées).

Je n'ai pas boudé mon plaisir au fil des 640 pages de ce premier roman initiatique efficace, emporté, enrichissant, qui nous rappelle que l'essentiel est le chemin pas la destination, et nous encourage à partir loin, pour redevenir proches. 
 
"Ami lecteur, avant de pénétrer dans les méandres du récit, je voudrais te poser une question : qui es-tu?
Je voudrais que tu réfléchisses un instant à ce qui fait que tu es toi.
Il n'y a pas l'ombre d'un mouvement sectaire derrière cette entrée en matière, il n'y a pas de paroisse, pas de salut, pas d'enfer. Tout juste des questions, car les questions sont la vie même. Tant qu'il existera quelqu'un pour questionner, et pour se questionner, l'humanité vivra, avancera, reculera, s'effondrera, renaîtra de ses cendres.
Donc, qui es-tu?"

L'auteur >> Avec le Porteur d’Histoire et le Cercle des IllusionnistesAlexis Michalik s’est imposé comme l’un des jeunes prodiges du théâtre français. Edmond, à l’affiche depuis septembre 2016, a été couronné par cinq Molières, et a fait l’objet d’une adaptation au cinéma. Loin est son premier roman, il est sélectionné pour le Prix Renaudot et le Prix du Premier Roman.
3 septembre 2019

FEEL GOOD - Thomas GUNZIG

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"Ce qu’on va faire, c’est un braquage. Mais un braquage sans violence, sans arme, sans otage et sans victime. Un braquage tellement adroit que personne ne se rendra compte qu’il y a eu un braquage et si personne ne se rend compte qu’il y a eu un braquage, c’est parce qu’on ne va rien voler. On ne va rien voler, mais on aura quand même pris quelque chose qui ne nous appartenait pas, quelque chose qui va changer notre vie une bonne fois pour toutes." Quel est le rapport entre un écrivain sans gloire, le rapt d’enfant et l’économie de la chaussure?

Le monde entier est un cactus, chante Dutronc, et ce n'est pas Thomas Gunzig qui dira le contraire... par contre, en reposant son dernier roman, Feel Good, on se dit que ledit cactus n'est pas exempt de faire de jolies fleurs, parfois, et c'est heureux.

Feel Good c'est un roman sur la France qui galère, sur les oubliés 
qui comptent le moindre centime, et ceux qui ne comptent pour personne...
Dans cette satire sociale drôle, cynique, grave et pleine de fraîcheur, 
Alice est une mère célibataire qui veut le meilleur pour son fils et, pour cela, doit continuellement faire des sacrifices, mener une vie faite de frustrations, fatigue, inégalités, emplois précaires et isolement (liste non exhaustive). 

Thomas Gunzig retranscrit à la perfection le sentiment d'injustice, de colère et l'énergie/l'imagination que génèrent la 
difficulté de joindre les deux bouts dès le 15 du mois, la violence de la galère quotidienne, l'instabilité permanente... et la volonté de s'en sortir pour en finir avec le système D/les petits larcins, puis l'engrenage, l'effet boule de neige, jusqu'à un plus gros forfait, allant contre ses principes mais animé par l'espoir d'obtenir une belle rentrée d'argent... 
C'est alors qu'Alice fait la rencontre qui va tout faire basculer en croisant le chemin de Tom, auteur médiocre en pleine séparation pétri de doutes au sujet de son avenir d'écrivain. Ce qui permet à Thomas Gunzig de joyeusement nous embarquer dans le quotidien solitaire d'un auteur/VRP de ses oeuvres, entre création, salons, dédicaces parfois foireuses (toute ressemblance...), les arcanes du monde de l'édition, son profond questionnement sur son talent et ce qui suscite le succès/
les ingrédients requis pour écrire LE livre qui marche, et le (quasi inévitable désormais) story-telling qui va avec
Ensemble, Alice et Tom vont-ils parvenir à aller jusqu'au bout du drôle de braquage qu'ils envisagent?

Bien que son roman soit par moments ultra réaliste, il est tout sauf plombant ou moralisateur, mais plutôt optimiste et plein d'humour, enlevé et enthousiasmant malgré sa gravité. Car Thomas Gunzig s'amuse et ça se voit, il aime ses personnages, et son sujet lui tient incontestablement à coeur. Il joue avec les mots, les choisit justes, qui piquent fort, et parvient avec tout cela à donner une belle profondeur à ce roman bien nommé qui parle de chute, de résistance et de renouveau avec beaucoup d'esprit et de fantaisie. 

"Elle pensa à tous ces enfants qui, dans la même assiette de pâtes, avaient des boulettes de viande, du vrai parmensan râpé, du basilic frais coupé aux ciseaux et la jalousie et la colère montèrent encore. Achille: il était si beau, il était si doux, il était si gentil, et la vie qui l'attendait allait être si dure. La vie n'en aurait rien à foutre de rien, la vie n'était pas une amie, c'était une adversaire! Elle n'en dormit presque pas et ses lambeaux de sommeil furent chargés de rêves si épuisants qu'au matin elle eut l'impression d'avoir fait la guerre."

"Il repensa à son désir fiévreux de devenir un écrivain reconnu, de comment il avait cru qu'il le deviendrait, comment il avait attendu, avec patience, que cela arrive, la reconnaissance, la gloire, les lecteurs, et il repensa à la manière dont il avait vieilli sans que cela ne vienne. Jamais. Il repensa à tous ces livres qu'il avait écrits, à toutes ces heures passées, penché sur son clavier, à travailler ses phrases et ces intrigues et à la façon dont tous ces livres, chaque fois, avaient été comme des petits seaux de sable apportés dans un désert: des choses inutiles qui ne changeaient pas les lecteurs et encore moins le monde. Sa vie avec un grand V était un échec. Pas un drame, pas une tragédie... Juste un échec. L'échec d'avoir voulu quelque chose toute sa vie, d'avoir fait des sacrifices, d'avoir fait des renoncements, d'y avoir cru, sincèrement, d'avoir été patient et de n'avoir rien eu en retour. Rien. Juste les quatre murs d'un appartement sans charme dont la cuisine se couvrait peu à peu de tâches de moisi."

L'auteur >> Thomas Gunzig, né en 1970 à Bruxelles, est l’écrivain belge le plus primé de sa génération et il est traduit dans le monde entier. Nouvelliste exceptionnel, il est lauréat du Prix des Éditeurs pour Le Plus Petit Zoo du monde, du prix Victor Rossel pour son premier roman Mort d’un parfait bilingue, mais également des prix de la RTBF et de la SCAM, du prix spécial du Jury, du prix de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique et enfin du très convoité et prestigieux prix Triennal du Roman pour Manuel de survie à l’usage des incapables. En 2017 il reçoit le prix Filigranes pour son roman La Vie sauvage. Star en Belgique, ses nombreux écrits pour la scène et ses chroniques à la RTBF connaissent un grand succès. Il a publié et exposé ses photos sur Bruxelles, Derniers rêves. Scénariste, il a signé le Tout Nouveau Testament aux deux millions d’entrées dans le monde, récompensé par le Magritte du meilleur scénario et nominé aux Césars et Golden Globes. Sont aussi parus au Diable vauvert, ses romans : 10 000 litres d’horreur pureAssortiment pour une vie meilleurEt avec sa queue il frappe.

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