Il passe le plus clair de son temps entre le bas des escalators qui mènent au parking, et ce petit pont, là, juste avant le marché.

Il y vend de petits bouquets jaunes et son journal "l'Itinérant", petit boulot qui l'aide à sortir un peu de sa précarité, mais pas tant que ça non plus.
Parfois les gens lui passent devant sans même le regarder, d'autres le poussent, pourtant il se fait discret, souriant, spectateur.

Mais reste dérangeant.

Il porte toujours la même casquette et le même blouson beige, a un visage marqué, de petits yeux, les joues sûrement trop rouges, les mains rugueuses, la tête souvent baissée...

Lui, il est toujours là...
Pas elle...

Elle, elle reste enfermée chez elle les 3/4 du temps depuis des mois.
Elle couve un bébé, et elle crêve de peur, car elle a cru perdre ce petit qui pousse, a du rester allongée, a du se faire piquer, "échographier", reluquer, super médicaliser pour que sa graine d'espoir ait la possibilité de continuer à tenter sa chance.
Mais ça, il ne le savait pas...
Avant, elle allait souvent au marché et lui achetait en passant un de ses petits bouquets.

Depuis des mois il ne la voit plus.
Et aussi étonnant que cela puisse paraître, cela l'inquiète, l'étonne.

Un jour, il croit voir une personne avec laquelle il l'avait parfois vue fouiner au marché et se rendre au magasin bio.

Il la fixe, se demande... jonquilleblog
Il rassemble quelques forces, et quand ladite personne passe près de lui, il tente de savoir à nouveau parler comme avant, avant sa chute, quand on n'avait pas peur quand il s'approchait pour demander un renseignement, quand il entrait dans une boutique...... parce que maintenant il marmone beaucoup, faut dire qu'il a pas trop l'occasion de beauoup parler ces temps ci, la solitude c'est pas causant...

Il a peur de l'effrayer, de la brusquer alors il se dit que mais oui bien sûr qu'il sait parler doucement, il a su le faire dans son ancienne vie.

Alors, il inspire un grand coup, et il le fait. sa voix claire l'étonne, belle intonation, formule de politesse... La personne, d'abord interloquée, s'arrête, semble le voir pour la première fois, ne le repousse pas, écoute, il se dit que ça lui fait du bien.....

Il entend : "si si la "jeune dame" vit toujours là", et il sourit... Il voit la personne hésiter, il se demande s'il est allé trop loin.... puis "elle attend un bébé, c'est compliqué, mais elle va bien".
Il la remercie, et la voit reprendre sa route...

Alors, avant qu'elle ne soit trop loin, dans un dernier effort, il l'appelle.
Elle se retourne brusquement, mais il n'hésite plus cette fois, il lui tend un de ses petits bouquets et dit:

"Pour elle..."...

Un simple bouquet de jonquilles

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