BASCOULARD - Dessinateur virtuose, Clochard Magnifique, Femme inventée - Texte de Patrick MARTINAT

Marcel Bascoulard est né dans le Cher, le 10 février 1913. Adolescent, il assiste au meurtre de son père par sa mère et, très vite, devient clochard. Il déambule dans les rues de Bourges et, autodidacte au talent miraculeux, il les dessine sur le motif, de façon réaliste et systématique, quarante ans durant. Admiré et réprouvé, asocial et excentrique, il n’hésite pas à s’habiller en femme, dans des robes qu’il confectionne parfois lui-même. De ses rues dépeuplées et de ses larges perspectives émanent une sorte de vertige réaliste, une intense poésie. Certains de ses motifs font songer aux grands maîtres de la gravure, par leur sens extrême du détail et la profondeur de leur espace.
Il laisse des centaines de dessins qui témoignent d’une rare virtuosité avec parfois de surprenantes incursions dans l’abstraction ou dans la copie minutieuse de cartes géographiques.

J'ai rencontré Patrick Martinat lorsque j'ai eu la chance d'être invitée au salon du livre de Châteauroux en avril dernier. Alors que je feuilletais son livre, il m'avait parlé avec enthousiasme de cet incroyable personnage, et donné envie d'approfondir cette découverte (mais le livre était un peu lourd et ma valise déjà trop pleine).
Et voilà que l'autre jour, à la médiathèque, je recroise le regard de ce drôle de bonhomme au style particulier et au regard dérangeant, et me dis qu'il est temps que je m'intéresse à cette histoire romanesque et tragique qui m'avait tant intriguée quelques mois plus tôt.

On ne peut qu'être fasciné par le destin de Marcel Bascoulard (que je verrais bien adapté à l'écran!), marginal excentrique devenu mythique dans la ville de Bourges (qui a donné son nom à une de ses places), connu de tous les habitants (qui ne le voyaient pas tous d'un bon oeil, si l'on compte le nombre de plaintes déposées à son encontre...), et d'une certaine élite parisienne. 

C'était un clochard (plutôt par "choix"/rejet de la société) un peu fou, poète, cultivé (il s'était lancé dans l’étude du russe, de l’allemand et du suédois et suivit également des cours en histoire de l’art), à l'enfance/jeunesse tourmentée (sa mère a assassiné son père quand il avait 20 ans), doté d'un talent brut au sacré sens de la précision, qui s'amusait avec son style de vie autant que vestimentaire (il portait souvent des robes - habitude qu'il avait apparemment prise dès l'enfance). Il se déplaçait sur un étrange tricycle qu'il s'était fait fabriquer sur mesure, et ne lâchait que rarement son carton à dessins.
Il a laissé derrière lui des milliers d'oeuvres encore méconnues mais désormais considérées comme faisant partie du patrimoine (le livre en  présente près de 300 - entre art figuratif, abstrait et cartographie - à l'encre, lavis, crayons de couleur, ou gouache... elles ont en partie été exposées en 2015 à la Halle St Pierre de Paris).

Une association Souvenir Marcel Bascoulard est née en 1998 pour le vingtième anniversaire de la disparition du peintre, mort assassiné dans ces circonstances restées floues, une des raisons évoquées dans le livre serait qu'il ait fait des envieux après avoir déclaré être en réalité riche. 
Et, de fait, il l'était sacrément, mais bien autrement que financièrement...

L'auteur >> Patrick Martinat est journaliste, il a obtenu, avec ce livre, le Prix mauvais genre 2015 France Culture - Magazine O.

Les éditions des cahiers dessinés: http://www.lescahiersdessines.fr/