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BLABLABLAMIA
16 septembre 2015

LA CACHE - Christophe BOLTANSKI

La Cache

« Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l’a transmise très tôt, presque à la naissance. »
Que se passe-t-il quand on tête au biberon à la fois le génie et les névroses d’une famille pas comme les autres, les Boltanski? Que se passe-t-il quand un grand-père qui se pensait bien français, mais voilà la guerre qui arrive, doit se cacher des siens, chez lui, en plein Paris, dans un « entredeux », comme un clandestin? Quel est l’héritage de la peur, mais aussi de l’excentricité, du talent et de la liberté bohème? Comment transmet-on le secret familial, le noyau d’ombre qui aurait pu tout engloutir?

Etonnant (premier!) roman que cette Cache, fait de fiction/réalité (oui, comme beaucoup...) basé sur l'histoire à travers les années de la (brillante) famille Boltanski,  issue des souvenirs de l'auteur, et parsemée d'un peu d'imagination.
Etonnant car ce roman est construit en parcourant le squelette de leur appartement rue de Grenelle, de membre en membre (de la grand-mère écrivain au grand-père médecin, et les oncles artiste ou linguiste, en passant par le père, sociologue, et... la Fiat 500 Lusso familiale...) et de pièce en pièce. Jusqu'à la cache
dans laquelle le grand-père juif est resté cloîtré pour échapper à la mort durant la seconde guerre mondiale.
Une petite cache dans une autre cache, plus grande. Car, dans un effet de poupées russes, les Boltanski ont fait de cet appartement une sorte de "tanière", isolant du monde extérieur/des inconnus leur famille 
traumatisée et fusionnelle... mais toujours libre, drôle, spontanée, érudite et créative.
Une famille un peu "burtonienne", loufoque et décalée, faite d'excentriques discrets soudés racontés via le regard plein d'émotion, d'amour et de fierté d'un de leur membre, qui partage anecdotes, secrets et souvenirs avec humour, ironie et émotion. 

Alors, malgré une fin que j'ai trouvée un petit peu abrupte (mais cela se justifie), La cache est un roman touchant (et impressionnant pour un premier), qui bénéficie indéniablement du talent descriptif et narratif de son auteur. Lequel, en retraçant le parcours de cette famille dysfonctionnelle de manière originale, ne juge jamais et rend un bel hommage aux liens familiaux, s'interroge sur la religion, les origines, l'identité, la force d'un nom... Christophe Boltanski "encre" sur papier les visages de ceux qui ont comptés pour lui, qui en a si peu de photos, afin de, peut-être (ne sachant pas où sont enterrés ses grands-parents) leur offrir une sépulture à sa façon, leur dernière cache.

"Je n'ai jamais été aussi heureux que dans cette maison. J'aimerais pouvoir la décrire avec la précision d'un entomologiste détaillant la vie d'une fourmilière, galerie après galerie, ce faisant, je passerais à côté de tout ce qui ne se voit pas à la loupe: l'incroyable appétit de vivre, les moments d'ivresse, d'euphorie même. Lui, dansant dans sa robe de chambre, elle assise sur le rebord du lit, criant avec voracité: "Un, deux, trois, ouah-ouah", en abattant sa dernière carte de jeu. Les plaisirs minuscules. Anne écoutant en boucle des tubes sur un tourne-disque portable. Jean-Elie essayant de partager une religieuse au café en un nombre de parts impair. Le va-et-vient constant. Les amis qui déboulent sans prévenir. Le mépris à l'égard des règles habituelles de bienséance. Les pieds nus, les mains dans les plats. La possibilité de presque tout dire. Les débats sans fin. L'énergie, l'exubérance émanant de cette communauté soixante-huitarde avant l'heure. La lumière, malgré les ténèbres."

Roman qui figurait dans ma PÀL et s'est naturellement intégré à l'opération des 68 premières fois (organisée par Charlotte L'insatiable, qui s'est lancé le défi de lire les 68 premiers romans de la rentrée littéraire. Nous sommes 40 à l'accompagner joyeusement dans cette aventure: https://www.facebook.com/groups/798415006944136/).

L'auteur >> Christophe Boltanski est né en 1962.
Entré en 1989 au journal Libération, il fut correspondant pendant presque dix ans pour le journal - d'abord à Jérusalem (1995-2000) puis à Londres (2000- 2004).  
Il co-dirigea ensuite le service étranger du journal jusqu'en 2007, avant de rejoindre Le Nouvel Observateur
Il est également actionnaire du site Internet d'information Rue 89, fondé par d'anciens journalistes de Libération. 
Il gagne en 2010 le prestigieux Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre pour un reportage sur une mine au Congo, dans la région du Nord-Kivu : Les mineurs de l'enfer.

En savoir plus sur:
Annie Lauran (grand mère de Christophe Boltanski): http://data.bnf.fr/11911296/annie_lauran/
Luc Boltanski  (père de Christophe Boltanski): http://boltanski.chez-alice.fr/index.html
Christian Boltanski (oncle de Christophe Boltanski): http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-boltanski/ENS-boltanski.htm

Les éditions Stock:http: //www.editions-stock.fr/

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