SAUF LES FLEURS - Nicolas CLEMENT
Etonnant comme, un jour (alors que cela n'arrive jamais, sauf cette fois-ci) j'ai retrouvé ce livre avec une tâche rouge sang sur la 4ème de couv... et comme cette tâche aurait pu me mettre en colère (contre les stylos feutre de mes fils...)...
Etonnant, parce que, durant ma lecture (faite après cette triste découverte), je me suis dit que ce genre de (malheureux) hasard apporte parfois une dimension supplémentaire à une lecture.
Comme ce rouge matérialise le sang et la colère qui gorgent une partie de ces pages.
Nicolas Clément dans ce livre court, extrêmement dense, sombre mais éclairé, nous parle, dans une ponctuation qui bouscule, de la beauté fragile des fleurs, qui se font piétiner sans rien pouvoir y faire...
Un livre parlant de violence "banale", de (sur)vie, de construction de soi dans la peur puis sur des gravats, la confrontation aux autres, à la stigmatisation, mais en même temps l'éveil aux sentiments, et la force de l'amour filial et fraternel.
Dans une langue brêve, concise et poétique, Nicolas Clément nous raconte une vie/des vies effacées, gachées à jamais, mais sans victimisation.
Marthe, la narratrice, fille de ce père violent, maltraitant et assassin, trouve une sorte d'échappatoire et de catharsis dans l'étude de l'oeuvre d'Eschyle, auteur grec de tragédies, qui a toujours valorisé la simplicité de ses personnages, confrontés à la persécution, la violence, au malheur, aux choix, aux Dieux...
Oui, parfois, l'école, l'éducation, les livres, l'étude d'un auteur, peuvent venir en aide, soutenir.
Oui, parfois aussi, les séparations, l'éloignement/l'exil, l'amour peuvent calmer les douleurs.
Oui mais, souvent, le chagrin, la souffrance, la haine, la violence, subsistent au fond de soi.
Alors la tâche rouge croît, et l'hémorragie ne peut être endiguée...
"Dans mon dictionnaire, je cherche la langue de Papa, comment la déminer, où trouver la sonnette pour appeler.
Mais la langue de Papa n'existe qu'à la ferme, hélas. Il nous conjugue et nous accorde comme il veut. Il est notre langue étrangère, un mot, un poing, puis retour à la ligne jusqu'à la prochaine claque."